Qui sont-ils donc ?

Qui sont-ils donc ? 

Frappés par la fréquence des apparitions médiatiques de certains médecins présentés comme experts en épidémiologie, nous avons souhaité en savoir plus sur leurs parcours. En l’étudiant en détail, nous avons fait d’étonnantes découvertes. 

La base Transparence Santé 
Cette base de données en ligne (www.transparence.sante.gouv), créée après l’affaire du Mediator, doit recenser les liens financiers entre des individus œuvrant dans le système de santé français et l'industrie pharmaceutique. Loin d’être parfaitement exhaustive, cette base a le mérite d’exister. Le président du Conseil de l’Ordre des Médecins mettant en lumière, dans un article de Libération du 24/03/2020, la certitude que ce fichier n'expose, hélas, pas toutes les interactions. 

Le Dr Karine Lacombe 
Si son poste de chef de service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine de Paris est bien connu, sa prodigieuse activité privée à destination des grands groupes pharmaceutiques l’est beaucoup moins. La consultation de la base de données “Transparence santé” est tout bonnement ahurissante pour son compte. Lorsqu’on additionne l’ensemble des interactions rémunérées et chiffrées (études de marché, synthèses, invitations, cadeaux, repas, communications) de Karine Lacombe entre 2017 et 2020 pour le compte d’industriels de la pharmacie, on frise la somme rondelette de 130.000 €. Le plus gros client du Dr Lacombe n'est autre que GILEAD, fabricant du Remdesivir. Coïncidence ? Ces sommes sont bien entendu légales, déclarées, et directement versées entre ses mains. Les sceptiques s'interrogeront probablement sur l’étrangeté résidant dans le faible taux, parmi les gros travaux de l’intéressée (interventions, synthèses), ayant donné suite à une rémunération déclarée (30 %). Dans les faits, le Dr Lacombe est un médecin de l’Assistance Publique en exercice, menant d’importantes activités de conseil auprès de sociétés pharmaceutiques. 
Le Dr Lacombe a été décorée de la Légion d’Honneur en date du 31/12/2020. 

Le Dr Martin Blachier 
Martin Blachier appartient à une espèce voisine. Médecin épidémiologiste, spécialisé en Assistance Publique (c’est un analyste davantage qu’un soignant), ancien étudiant de l’ESSEC, il a fondé ou co fondé plusieurs entreprises de conseil et de fourniture de services à destination des secteurs privés et publics de la santé, dont Public Health Expertise dont il est associé (CA 2019 733 K€). Il n’exerce plus de fonction hospitalière et vit donc totalement de son activité de sous-traitant de l'industrie pharmaceutique. Une partie importante du chiffre d'affaires de ses sociétés étant représenté par les interactions qu'il facture à l'industrie pharmaceutique, la base Transparence Santé ne comporte que très peu d’entrées le concernant personnellement. En pratique, le Dr Blachier est un chef d’entreprise, exerçant dans le conseil aux entreprises du secteur pharmaceutique. 

Le Pr Jean-Philippe SPANO 
Oncologue, chef du service d’Oncologie Médicale à la Pitié Salpêtrière, le Professeur SPANO appartient également au désormais célèbre conseil scientifique. C'est ce conseil, dirigé par le Pr Delfraissy qui émet les avis sanitaires suivis par le gouvernement. Médecin débordant d’énergie, le Professeur SPANO mène simultanément sa carrière de chef d’un service de médecine à l’APHP avec une activité libérale dirigée vers l’industrie pharmaceutique, à la manière de Karine Lacombe. Je relevais l’énergie dont il semble disposer car il parvient à facturer près du double d’honoraires, sur la même période, aux géants du médicament soit 251.000 € au cours des cinq dernières années (DPI et Base transparence). C’est probablement le record de France en la matière, les administrateurs de la base Transparence Santé nous le confirmeraient-ils ? Professeur de médecine, chef de service hospitalier, le Pr SPANO exerce une activité de conseil pour des montants annuels supérieurs à 50.000 €. Comment accueillir d’une oreille impartiale les avis d’un homme lié à ce point, via des centaines d’interactions financières, aux géants de l'industrie pharmaceutique ? 

Le Professeur Yazdan Yazdanpanah 
Gastro-entérologue, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital Bichat à Paris, Yazdan Yazdanpanah est membre du conseil scientifique. Que l'on consulte sa Déclaration Publique d'intérêt (28 pages) ou la base transparence santé, apparaissent des centaines d'interactions financées par les géants de l'industrie pharmaceutique. Rapports, congrès, synthèses, interventions, tous rémunérés pour un montant total dépassant les 140.000 € depuis 2015. Ce chiffre reste à relativiser tant il est de notoriété publique dans ces métiers, que DPI et base transparence sont loin d'exposer toutes les interactions. Enfin, le contenu de ses 8 DPI évolue, à la baisse, avec le temps, c'est ainsi que nous publions la plus "étoffée", celle de fin 2019. 

Le Pr Yazdanpanah est un chef de service spécialisé en infectiologie à l'importante activité de sous-traitance pour l'industrie pharmaceutique.

Des experts impartiaux ? 
Lorsque l'on présente à la télévision le Dr Blachier et le Dr Lacombe comme des experts en épidémiologie, il est vrai qu'ils ont longuement étudié et pratiqué cette spécialité. En revanche, qu’attend-on d’un expert si ce n’est la délivrance d’avis impartiaux, indépendants, en dehors de toute influence. Comment ne pas s’étonner ou s'indigner des liens qui réunissent Blachier et Lacombe et l'industrie pharmaceutique ? Comment ne pas sursauter avec les Professeurs SPANO ou Yazdanpanah, tous deux membres du conseil scientifique ayant perçu, en montant cumulés, près d’un demi million d’euros de la part des géants de la pharmacie au titre d’honoraires ? Ces experts, dont le gouvernement suit les recommandations à la lettre, ne devraient-ils pas être détachés de ces industriels, dont les produits sont sujets à tous les fantasmes ? Ou réside l’indépendance de ces experts rémunérés directement par l’industrie pharmaceutique ? 

Des médias et des pouvoirs publics muets 
Mais pour quelle raison les "experts épid&miologistes" comme Lacombe ou Blachier ne sont-ils présentés que sous l'angle, ambigu, de leur spécialité d'étude, masquant ainsi aux yeux du public leur activité de conseil auprès des groupes pharmaceutiques ?
Les journalistes télévisés ne semblent pas gênés à qualifier d'experts des intervenants spécialisés en épidémiologie mais qui sont, également, des sous-traitants directement affiliés à l'industrie pharmaceutique. Que font, dans un Conseil Scientifique, des hommes, recordmen français des interactions rémunérées avec l'industrie du médicament ? Ne serait-il pas nettement plus sain qu’aucun conflit d’intérêt ne vienne troubler les messages que délivrent les “experts” ? Le gouvernement ne fait-il pas preuve de négligence en fermant les yeux sur ces liens financiers ? L'existence même de ce type liens financiers au sein d'une institution telle que le Conseil Scientifique prête le flanc à la critique. Et de la critique justifiée naît la défiance. 
Ce laisser-faire n'est qu'un nouvel accroc sur le contrat social censé exister dans notre pays dans lequel la population remet le pouvoir entre les mains de dirigeants dont l'attitude et les actions devraient être orientés dans le sens exclusif du bien être des populations mais en aucun cas dans le sens de tiers ou d'organisations privées comme telle ou telle industrie.
L'existence de ces anomalies graves met en lumière un grave défaut du système contraire au contrat social censé unir dirigeants et population dans notre pays.
Ce laisser-faire est un grave défaut de notre système car, en l'absence d'exemplarité impartiale, comment exiger le respect et l'obéissance des foules ?

Carrière publique ou privée ?
Les liens public-privé, objet des lobbies, sont-ils à ce point répandus dans les gouvernements occidentaux qu'ils représentent désormais une normalité ?
Un des rôles d'un Etat juste, agissant en bon père de famille, pour le bien et le service exclusif des populations ne serait-il pas de s'assurer de la l'impartialité de ses conseillers ?
Dans un pays comme le nôtre, ou le "pantouflage" (allers-retours entre les secteurs privés et publics réalisés par certains hauts fonctionnaires lors d'alternance politique ou de disgrâces) représente la norme, toutes les conditions sont réunies pour favoriser les problématiques de conflit d'intérêt.
Ou s'arrête le conflit d'intérêt ou quand commence la corruption ? 

Difficile à dire, en revanche, en l'absence de tout lien financier discutable, la question de l'influence d'une société privée dans la prise de décision politique ne se pose pas.
De nombreux éminents médecins fonctionnent hors de ce système obscur. 
Le Professeur Didier RAOULT ne souffre d'aucune intéraction financière avec les monde de l'industrie pharmaceutique, la base Transparence Santé ne renvoie pour lui aucune donnée, pas plus qu'il n'existe de DPI le concernant.
Comme il est triste de noter qu'en 2020, en France, la simple affirmation de cette réalité peut suffire à classer son auteur dans la sombre famille des complotistes...

 



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